La publicité digitale écolo, mythe ou réalité accessible ?
- GOUIN Mégane
- 30 janv.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 avr.
Dans un monde où l’urgence climatique occupe une place centrale dans les débats sociétaux, chaque secteur est scruté à la loupe pour évaluer son impact environnemental, et la publicité digitale n’y échappe pas. À première vue, les campagnes en ligne, dématérialisées et sans support physique, semblent une alternative plus verte que les publicités traditionnelles. Mais derrière nos écrans se cachent des infrastructures énergivores : serveurs, centres de données, et technologies de ciblage sophistiquées. Alors, peut-on réellement associer publicité digitale et écologie ? Est-il possible de concilier efficacité marketing et réduction de l’empreinte carbone ? Cet article explore les pratiques actuelles et les solutions émergentes pour tenter de répondre à cette question cruciale : Peut-on rendre la publicité digitale plus respectueuse de la planète ?
Plan détaillé de cette analyse :
1.1 L'évolution du digital dans le paysage publicitaire
1.2 L'empreinte carbone de la publicité digitale
1.3 Les principaux facteurs de cette pollution
1.4 L'importance de cette même publicité digitale dans le monde moderne
2.1 Les bonnes pratiques et initiatives émergentes
2.2 Les freins à la généralisation
2.3 Les opportunités à saisir
Mise en contexte
1.1 L'évolution du digital dans le paysage publicitaire

La publicité digitale occupe une part de plus en plus prépondérante dans le paysage publicitaire global. Avec un poids de 550 milliards de dollars, elle représente 65,15 % des dépenses publicitaires totales, selon Statista. À titre de comparaison, la télévision ne constitue que 20,8 % de ces dépenses. Statista anticipe une augmentation significative, estimant que le marché atteindra 724 milliards de dollars d'ici 2026.
L'empreinte carbone de la publicité digitale
Une référence incontournable pour comprendre l’impact environnemental de la publicité digitale est l’entreprise Scope3, créée par Brian O’Kelley, ancien dirigeant dans le domaine de la publicité programmatique et cofondateur de Xandr (anciennement AppNexus).
Dans une étude marquante, Scope3 révèle que la publicité digitale génère 215 000 tonnes d'émissions de C02 chaque mois. La France occupe la 4ème place du classement des top pollueurs avec 22 700 tonnes de CO2 émises mensuellement.
Selon le cabinet de conseil Fifty Five, une campagne digitale classique émet en moyenne 71 tonnes de CO2, soit l'équivalent de 35 vols aller retour Paris / New-York.
Les principaux facteurs de cette pollution
Les experts ont identifié quatre principaux facteurs contribuant à l’empreinte carbone d’une publicité en ligne :
L’internaute : Les terminaux utilisés pour accéder à internet (ordinateurs, smartphones, tablettes) consomment de l’énergie.
La distribution du contenu : Par exemple, lorsqu’un article en ligne est consulté, d’où provient-il ? Quels moyens l’éditeur a-t-il utilisé pour le transmettre jusqu’au terminal de l’utilisateur ?
Les aspects techniques de la publicité : L’essor de la 4G a poussé les éditeurs à proposer des contenus plus lourds, comme des images en haute résolution ou des vidéos. Ce poids supplémentaire sur la bande passante a un coût environnemental non négligeable.
La sélection publicitaire : Ce processus englobe toutes les étapes nécessaires pour exposer un internaute à une publicité. Selon Scope3, cette étape est responsable à elle seule de 60% de l'empreinte carbone totale.
Ainsi, même si à première vue la publicité digitale semble plus respectueuse de l'environnement que ses équivalents physiques (plus de papier, plus d'encre, et plus de flyers ou d'affiches à jeter ), le numérique repose sur des infrastructures invisibles mais extrêmement gourmandes en énergie. Chaque publicité digitale diffusée passe par des centres de données, des serveurs, et des réseaux de télécommunications qui fonctionnent 24h/24. Ces infrastructures consomment d'énormes quantités d’électricité, souvent alimentées par des énergies fossiles, et génèrent une empreinte carbone significative.
L'importance de cette même publicité digitale
Ceci étant dit, la publicité digitale reste un pilier incontournable de l’économie moderne et de la communication. Elle joue un rôle essentiel dans le soutien aux marques, dans la création de connexions entre entreprises et consommateurs, et dans le financement de nombreux contenus et services numériques gratuits. Dans un monde de plus en plus digitalisé, où les interactions en ligne dominent, la publicité digitale n’est pas prête de s’arrêter. La véritable question n’est donc pas de savoir si elle doit disparaître, mais comment elle peut évoluer pour répondre aux exigences écologiques tout en continuant à remplir sa mission.
La publicité digitale écoresponsable : une réalité en devenir ?
2.1 Les bonnes pratiques et les initiatives émergentes
Face à tous ces défis environnementaux, plusieurs acteurs du secteur publicitaire prennent conscience de leur impact écologique et adoptent des approches innovantes. Certaines agences et plateformes pionnières intègrent des pratiques écoresponsables en limitant l'empreinte carbone de leurs campagnes ou en reversant une partie des revenus publicitaires à des causes environnementales.
Viser une réduction de l'empreinte carbone de ces campagnes nécessite des efforts concrets tout au long de la chaîne de production.
Lors du plan média, en prévoyant une réduction du volume de campagnes.
Le recours à une publicité ciblée et pertinente limite le gaspillage publicitaire, tout en réduisant l’impact écologique des impressions inutiles ou des bannières non vues. Prioriser la qualité sur la quantité devient alors une stratégie gagnante, tant pour l’environnement que pour les résultats commerciaux.
Lors de la production des contenus, en privilégiant des formats légers.
Les images optimisées et les vidéos courtes consomment moins de données, réduisant ainsi l’énergie nécessaire à leur diffusion. Cela implique de repenser la conception créative en mettant l’accent sur l’essentiel.
Lors de l'achat publicitaire, en privilégiant des plateformes alimentées par des énergies renouvelables.
La consommation énergétique des data centers est un enjeu majeur. Collaborer avec des plateformes et des prestataires qui privilégient les énergies vertes ou qui compensent leurs émissions peut significativement atténuer l’impact écologique des campagnes.
Bien qu’elles nécessitent des efforts d’adaptation, ces mesures représentent une opportunité de transformer la publicité digitale en un modèle plus durable et responsable.
Pour traquer l'efficacité de ces actions, différentes solutions de quantification de l'impact carbone des campagnes émergent.
On peut notamment citer de nouveau l'outil de Scope3 qui collecte des données sur les émissions générées par les impressions publicitaires en fonction des format et des plateformes utilisées. A l'heure d'aujourd'hui, ils proposent 3 intégrations API différentes : Google Display & Video 360, Snapchat, The Trade Desk.


Les certifications et labels jouent également un rôle clé pour garantir la transparence et encourager les bonnes pratiques. Par exemple, les entreprises certifiées B Corp doivent démontrer leur engagement envers des standards sociaux et environnementaux rigoureux. Par ailleurs, des labels comme Green Tech et des initiatives telles que le Climate Neutral Now des Nations Unies encouragent les acteurs de la publicité digitale à mesurer, réduire et compenser leurs émissions carbone.
Ces exemples illustrent une volonté croissante de transformer la publicité en un levier positif pour la transition écologique, bien que ces initiatives soient encore à leurs débuts.
2.2 Les freins pour la généralisation d'une pub digitale plus verte
Malgré une prise de conscience croissante des enjeux écologiques, la transition vers une publicité digitale plus verte rencontre plusieurs freins.
D'une part, les coûts liés à l'adoption de technologies durables et à la mise en place de campagnes écoconçues peuvent être dissuasifs, notamment pour les petites structures.
De plus, la complexité technique de ces nouvelles pratiques, combinée à l'absence de standards uniformisés, freine leur adoption à grande échelle.
D'autre part, le manque de sensibilisation des annonceurs et des agences constitue un obstacle majeur. De nombreuses entreprises restent peu informées sur l’impact écologique de leurs campagnes ou sur les solutions disponibles pour le réduire. Cela ralentit l'intégration d'initiatives responsables et maintient une certaine inertie dans l'industrie.
Conclusion
La publicité digitale écoresponsable oscille encore entre mythe et réalité. Si des initiatives innovantes et des bonnes pratiques commencent à voir le jour, leur adoption reste freinée par des contraintes économiques et un manque de sensibilisation. Pourtant, l'attente des consommateurs est bien réel. Il est donc essentiel que l’ensemble des acteurs – annonceurs, agences, plateformes et régulateurs – s’engage activement à adopter des pratiques responsables. Cette transition nécessite une collaboration et un effort collectif pour réinventer les modèles existants et construire un avenir publicitaire plus respectueux de l’environnement.
Et si demain l'empreinte carbone devenait un KPI aussi important que le coût par clic ou le retour sur investissement ?